Stèle pour un bâtard by Edmonde Charles-Roux

Stèle pour un bâtard by Edmonde Charles-Roux

Auteur:Edmonde Charles-Roux [Charles-Roux, Edmonde]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Biographie historique, Autriche, Histoire, Littérature française
ISBN: 9782246096290
Éditeur: Grasset
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


XXV

Lettre au roi

Au monastère d’Abrojo où il allait séjourner deux mois, portant le deuil de la reine et marquant son dépit, don Juan reçut souvent la visite de doña Magdalena.

Ce fut elle qui signala à don Juan la présence à Abrojo d’un moine qui l’avait connu enfant. Ce fut elle aussi qui lui conseilla de rechercher sa compagnie.

Cette rencontre allait avoir une influence déterminante sur son destin.

Etrange homme que ce frère Juan de Calahorra, à la fois mystique et réaliste, solitaire et averti des choses du monde. Un visionnaire tranquille : ses moindres propos prenaient un sens prophétique. Son attitude à l’égard de don Juan eut cela d’inattendu qu’au lieu de l’encourager à la méditation, il lui conseilla de ne pas prolonger sa retraite.

Don Juan était partagé entre le désir de demander au roi un commandement de guerre et la crainte de se le voir refuser.

Amiral de la Flotte à vingt-trois ans, il aurait pu s’estimer suffisamment pourvu. Sa croisière sur les rivages africains, toute pacifique qu’elle eût été, avait eu d’heureux résultats.

– Le roi a envoyé son frère sur la mer !

Cette nouvelle, répétée de bouche à bouche, de barque à barque, de bord à bord, avait mis un frein à la hardiesse des pirates barbaresques. Moins de navires démâtés flottaient à l’abandon, moins de femmes enlevées, moins d’équipages exterminés, moins de voiles traîtresses filaient au nez des galères espagnoles.

Don Juan inspirait la crainte avant même que d’avoir accompli le moindre exploit. Sa seule présence sur mer avait suffi pour que revive, des sables de Djerba aux roches de Capri, des vergers de Corfou à ceux de Malaga, la grande peur qu’avait suscitée le nom de son père.

Mais, depuis un an exactement, les Maures d’Andalousie avaient retrouvé leurs dispositions guerrières et les places fortes espagnoles, l’une après l’autre, tombaient entre leurs mains. On venait de rendre à ces populations musulmanes les motifs de haine qui avaient entraîné quatre siècles de luttes incessantes. L'intermède de paix qui avait duré soixante-quinze ans, couvrant le règne d’Isabelle la Catholique et celui de Charles Quint, était brusquement interrompu.

Don Juan, non satisfait du commandement naval qui mettait toute la flotte d’Espagne sous son pouvoir nominal, rêvait, au fond du couvent où il boudait la cour, de recevoir aussi le commandement des troupes engagées en Andalousie.

Il s’en ouvrit à Juan de Calahorra.

Le franciscain visionnaire l’exhorta vivement à adresser sa requête au roi.

– Vous obtiendrez ce que vous désirez, dit-il à don Juan, et le nom de Votre Excellence sera plus grand que celui de quiconque en Europe.

Cette prophétie fit grande impression sur don Juan.

Doña Magdalena, de son côté, le poussait à solliciter cette mission. Cette pacifique qui avait limité son horizon aux champs de Villagarcia, cette contemplatrice, des fruits et de leurs surprises, des fleurs et de leurs miracles, s’exprimait parfois avec une fermeté de matrone romaine.

Le luxe et l’inaction seront toujours dangereux pour votre jeunesse, écrivait-elle à don Juan. Seuls les périls et les travaux de la guerre pourront tempérer le feu de vos passions.



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